“PARIS-DAKAR NO OIL”
1 homme
3 véhicules autonomes

6000 km de Bruxelles-Paris à Dakar et retour

3 mois de voyage SANS pétrole ! Départ ce 3 février 2009.

L’éco-citoyen, Xavier Van der Stappen
www.parisdakarnooil.org

Waterloo-Way – 01. Quel est le message que vous souhaitez transmettre aux habitants de notre petite planète bleue à travers votre action “PARIS-DAKAR NO OIL”?

Xavier Van der Stappen : Je pense que la planète nous survivra mais que l’humanité est en danger par sa cupidité, son avidité d’amasser, d’acquérir, de manger les ressources naturelles et que l’activité humaine a un impact certain sur l’environnement, la santé, l’économie. Par contre, je considère aussi que nous vivons une époque fantastique car il va falloir être créatif pour trouver rapidement des solutions concernant nos besoins essentiels : se déplacer, manger, se loger – en limitant de manière conséquentes notre impact sur notre milieu.

Waterloo-Way – 02. J’ai appris que rien ne vous prédestinait à cette profession à multiple facettes : ethnographe, reporter-photographe, auteur, conférencier… Quel fut le déclic qui déclencha cette soif d’aventures lointaines ?
Xavier Van der Stappen : Jeune, je suis parti m’installer dans un paradis terrestre à Ceylan. La guerre civile qui y couvait et surtout les conséquences de cette guerre a détruit ce paradis. Ensuite, je me suis retrouvé en Afghanistan confronté à une guerre de résistance contre les Soviétiques. Cela m’a ouvert les yeux sur le monde, sur les enjeux géostratégiques. Face aux bonheurs et aux malheurs des habitants de la planète, on ne peut pas rester indifférents. Ce sentiment s’est amplifié suite aux 4 années passées chez ‘Médecins sans frontières’ comme réalisateur de reportages. Je me suis ensuite dit qu’il fallait montrer l’homme dans sa diversité, dans sa richesse culturelle, valoriser son savoir-faire, apprendre de ces gens qu’on traite de pauvres. D’où, l’envie de témoigner par l’ethnographie à l’aide d’expositions, de reportages, de livres…

Waterloo-Way – 03. A chaque retour de voyage, que ce soit du Sahara ou de Guinée, quel est votre sentiment face à notre manière de vivre à l’occidental, face à la jungle criante des villes, face au chaos général ?
Xavier Van der Stappen : Je constate que l’homme a créé un milieu de vie devenu agressif, hostile à sa santé, à son bien-être. La cause en est, cette perpétuelle course en avant générée par cette envie d’avoir toujours plus, d’accumuler plus. La croissance perpétuelle ne peut pas exister. Il s’agit d’une folie humaine. Nous devons changer de style de vie. Ici, chez les plus riches de la planète, nous devons opérer une révolution culturelle, un changement profond dans nos habitudes. Nous ne sommes que 20% à vivre comme nous le faisons et ceci au détriment du reste de la planète qui court pour répondre à nos “besoins”.

Waterloo-Way – 04. Selon vous, lequel de ces deux individus est le plus sage, le plus évolué, le plus mature ?
Celui qui vit dans la jungle de nos villes loin de Dame Nature.
Celui qui vit en autarcie dans la jungle africaine.
Xavier Van der Stappen : Je pense que si on prend, par exemple, comme nouvelle valeur universelle la qualité d’une société à survivre à son activité, nous serions bons derniers. Nous disposons de toute la technologie nécessaire, de moyens considérables mais nous restons là, à attendre quoi ? L’homme qui se suffit de ce que son milieu peut lui donner est gagnant dans le long terme. C’est une forme de sagesse. Mais il ne faut pas opposer les modes de vie, la sagesse, l’évolution, la maturité vient de l’expérience empirique, celle-là même que nous avons mise de côté au profit du marché.

Waterloo-Way – 05. Est-ce facile de convaincre des sponsors à l’heure actuelle ? De les faire intéresser et intégrer à vos projets ? Si oui, comment vous vous y prenez ?
Xavier Van der Stappen : C’est effectivement difficile car aujourd’hui la crise constitue un bon prétexte. Mais les annonceurs se doivent d’annoncer proprement. C’est devenu une mode. Avec la publicité, même les voitures deviennent vertes ! Alors oui, il reste des sociétés qui doivent communiquer leur prétention de vendre des produits plus sains que d’autres. Au public à faire la différence.
Sponsors paris dakar no oil.jpg

Waterloo-Way – 06. Est-ce un combat difficile en soi de rester le plus objectif possible par rapport à vos études ou portraits sur les différentes ethnies sans tomber dans le colonialisme ou le romantisme ?
Xavier Van der Stappen : Le monde évolue, je suis né après l’indépendance du Congo. Mais nous sommes tous quelque part imprégnés de la propagande coloniale et post-coloniale. Ceci dit, lorsque vous vivez des moments forts d’échange avec des gens si différents appartenant à des groupes culturels isolés, vous changez évidemment de point de vue. Vous vous dites que la générosité, l’accueil, la qualité de la relation, n’est vraiment plus l’apanage de l’Occident.

Waterloo-Way – 07. Quel est le plus beau des voyages, selon vous, le voyage intérieur ou le voyage extérieur, hors des frontières de son territoire natal ?
Xavier Van der Stappen : Le plus beau voyage est celui qu’on fera demain. Il est toujours un voyage intérieur car on se nourrit toujours des rencontres. Il faut éviter de prendre le monde pour un terrain de jeux, de prendre les autres pour des bons sauvages qui valorisent l’aventurier que nous pourrions avoir la tendance d’être pour se valoriser. Voyager seul dans un lieu vide d’hommes n’a pour moi aucun sens. Il ne valorise que l’individu dans son exploit tout personnel. Ca c’est le romantisme occidental avec le danger de l’ “encore plus loin, plus haut, plus fort”. Ceci n’apporte pas grand chose à l’humanité. Il est temps de voyager vers les autres, de les valoriser, d’apprendre au contact des autres au lieu de vouloir à tout prix leur apprendre nos erreurs.

Waterloo-Way – 08. En 20 ans de passion pour les grands espaces, en 20 ans de métier, qu’avez-vous appris d’essentiel?
Xavier Van der Stappen : Le monde est en mutation constante. Il faut s’adapter. Notre monde est sur une pente raide. L’urgence est de changer les comportements, de réduire notre impact. Ca c’est le plus important combat qu’on puisse mener aujourd’hui. Et, ce combat, on peut le mener au quotidien. Il faut pense globalement mais agir localement.

Waterloo-Way – 09. Question d’ordre pratique. Quels sont les trois véhicules appelés véhicules autonomes, fonctionnant à l’huile de bras, que vous utiliserez pendant votre action “PARIS-DAKAR NO OIL” ?
Xavier Van der Stappen : Je descendrai vers Dakar à bord d’un petit kart à voile qui est assez performant. Ensuite je travaillerai avec mon kayak dans l’archipel des Bijagos en Guinée Bissau, puis je reviendrai avec un VEAH (véhicule à assistance humaine) couvrant la distance de 6000 km entre Dakar et Bruxelles.

Waterloo-Way – 10. Avec l’avancée de l’urbanisation, que penser de ces diverses cultures de villages africains risquant d’être jetées aux oubliettes ?
Xavier Van der Stappen : Ce n’est pas une solution que de tuer le monde rural qui nous nourrit. L’exode rurale est la dernière chose à favoriser en Afrique. Un homme est toujours mieux là où il est né. Dans une période de crise, la ruralité prend tout son sens, c’est dans les villages qu’on plante et qu’on récolte, pas dans les villes.

Waterloo-Way – 11. Vous avez fondé « Cultures et Communications » (ndlr : association sans but lucratif animée par des spécialistes de la communication et des sciences humaines issus du milieu humanitaire) dont l’objectif est, entre-autre, de diffuser une image positive de l’Afrique, image opposée de celle véhiculée par les médias. Ma question est de savoir : comment, en tant qu’individu, vous pouvez contrecarrer cette image négative d’un continent, étant “seul” face aux “mass” medias ?
Xavier Van der Stappen : C’est évidemment une goutte d’eau dans l’océan mais à cœur vaillant rien d’impossible. Et puis en me tendant le micro, vous me permettez d’en parler dans les médias. L’image positive de l’Afrique existe mais elle est assombrie par les seuls événements négatifs diffusées par les médias.

Waterloo-Way – 12. Quel est votre regard sur la planète dans sa globalité?

Xavier Van der Stappen : Un monde qu’il est urgent de sauver, parce qu’on ne peut pas prétendre être intelligent et détruire impunément.

Waterloo-Way – 13. L’élection de Barak Obama a dû vous réjouir ?
Xavier Van der Stappen : Evidement, mais près son “We can do it” j’attends qu’il dise “We make it”. Et puis ses origines africaines feront sans doute de lui un homme ouvert sur le monde, attentif aux disparités. Il aura certainement de l’empathie pour les autres et surtout pour l’Afrique. Espérons qu’il œuvrera à mettre fin aux conflits à l’origine des quels les USA en quête de ressources naturelles.

Waterloo-Way – 14. Et pour terminer en légèreté. La dernière fois que vous vous êtes dit : “C’est la dernière fois” ?
Xavier Van der Stappen : Peut-être pour certains excès alimentaires mais jamais concernant les voyages !
Entretien réalisé le 02 février 2009
Propos recueillis par Mary Gasparoly